L’espace, ce vaste univers mystérieux, a toujours captivé notre imagination et notre curiosité. L’exploration spatiale a ouvert de nouvelles frontières pour l’humanité. Alors que les astronautes s’envolent vers les étoiles, ils emportent avec eux une part de la créativité humaine sous la forme d’instruments de musique. Ceux-ci offrent aux hommes qui voyagent au-delà de la Terre une occasion de se connecter à leur côté artistique et de partager une expérience musicale unique dans l’environnement éthéré de l’espace. Dans cette exploration des instruments de musique dans l’espace, nous découvrirons les mélodies qui ont été jouées au-delà de notre atmosphère.
Harmonica
Un harmonica, le Hohner « Little Lady », surnommé « The space traveler » (« Le voyageur de l’espace ») sur le site Web du fabricant, et un ensemble de grelots ont été les premiers instruments transportés dans l’espace par les astronautes américains Walter Schirra et Tom Stafford en décembre 1965.
Avant leur rentrée atmosphérique, Schirra et Stafford ont voulu faire une blague : ils ont annoncé au centre spatial de Houston avoir détecté un objet volant non identifié voyageant du nord au sud dont ils essayaient de capter les signaux. Ils ont alors joué Jingle Bells à bord de Gemini 6 à l’aide de ces petits instruments emportés sans autorisation. Aujourd’hui, l’harmonica et les grelots se trouvent au musée Smithsonian’s Air and Space Museum.
Voir le Hohner Little Lady sur Woodbrass
Guitare
On pense que la première guitare acoustique dans l’espace se trouvait à bord de la station spatiale soviétique Saliout-6, et qu’elle a été jouée pour la première fois par Aleksandr I. Ivanchenko en 1978.
Réalisant que jouer de la musique en orbite améliore le bien-être des cosmonautes lors de missions de longue durée, les psychologues spatiaux russes ont veillé à ce qu’une guitare acoustique arrive à bord de la station Mir le plus tôt possible.
La musique est aussi utile pour la coopération interculturelle dans l’espace. Alors qu’il se préparait pour une mission d’amarrage de la navette spatiale américaine vers la station spatiale Mir, l’astronaute canadien Chris Hadfield savait que la vieille guitare laissée sur Mir était cassée. Et il savait également que lors de cette mission, il rencontrerait l’astronaute de l’ESA Thomas Reiter, un guitariste classique accompli. Chris Hadfield a donc apporté une guitare SoloEtte pliée au milieu, de façon à prendre peu de place et à rentrer dans un casier de la navette spatiale, puis l’a donnée à l’équipage de la station Mir.
Hadfield et Reiter ont alors pu chanter ensemble des chansons pop et des ballades folkloriques russes.
The 1st guitar I played in space folded in the middle, so it would fit in a Space Shuttle locker – a SoloEtte. https://t.co/Fzcl9wiJ1T pic.twitter.com/xpfkE4sZv2
— Chris Hadfield (@Cmdr_Hadfield) June 11, 2022
Plus tard, de nombreux astronautes de tous les pays ont utilisé la guitare de la Station spatiale internationale au fil des ans.
Selon Chris Hadfield, bien connu pour son interprétation en 2013 de Space Oddity dans l’espace, « Les psychiatres de la NASA… ont mis cette guitare sur la Station spatiale. Ils avaient vu la guitare que les Russes avaient sur leur station spatiale Mir et réalisé à quel point la musique est vitale pour la santé mentale humaine. Ainsi, à l’été 2001, la NASA a acheté et fait voler une guitare sur la navette spatiale Atlantis, et elle est restée sur la Station spatiale depuis. ».
Il a ajouté « J’emporte un instrument partout où je vais – escalader des montagnes, vivre au fond de la mer et même dans l’espace. La musique est une partie fondamentale de l’être humain. Cela ne s’arrête pas au bord de l’atmosphère. »
Voir aussi : l’histoire de Space Oddity de David Bowie
Cornemuse
La cornemuse a été jouée dans l’espace pour la première fois en novembre 2015 par l’astronaute américain Kjell Lindgren à bord de l’ISS. L’instrument a été spécialement conçu par une entreprise écossaise pour le séjour dans la station de l’astronaute. Les tuyaux ont été fabriqués à partir de plastique qui les rend plus légers et plus faciles à nettoyer que les matériaux typiques utilisés pour la cornemuse.
Kjell Lindgren a joué Amazing Grace après pour rendre hommage à son collègue Victor Hurst. Le chercheur de la NASA qui a participé à la formation des astronautes est mort subitement à l’âge de 48 ans pendant la mission de Lindgren.
Didgeridoo
Un didgeridoo est un long instrument à vent aborigène australien. Ingénieur et scientifique particulièrement créatif, Don Pettit n’a pas pu emmener un vrai didgeridoo à la Station spatiale internationale en raison de sa taille et de la petite place disponible dans la navette SoYouz. Il a donc décidé d’en construire un à partir d’objets se trouvant à bord de l’ISS, en l’occurrence, un tuyau d’aspirateur et deux embouts différents. En plus de faire découvrir son didgeridoo orbital, l’astronaute voulait faire une démonstration physique : celle des oscillations induites par la fréquence des notes sur de l’eau. Vous pouvez voir sur la vidéo ci-dessous que Pettit que l’eau interagit véritablement avec les fréquences sonores, nous offrant un spectacle musical et visuel !
Flûte
En 1993, l’astronaute Ellen Ochoa, une musicienne classique, a apporté sa flûte avec ses objets personnels lors de sa mission de neuf jours à bord de la navette spatiale Discovery (STS-56). En raison du rythme opérationnel effréné de la mission, elle n’a cependant pu en jouer qu’une seule fois dans le cadre d’une vidéo éducative pour les écoliers.
Elle a dû attacher ses pieds parce que la petite quantité d’air sortant de la flûte aurait été suffisante pour l’envoyer voler autour de la navette spatiale. Même avec ses pieds accrochés, elle pouvait sentir la force de l’air la pousser un peu d’avant en arrière pendant qu’elle jouait.
« Ce que je dirais à propos de ma flûte sur STS-56, c’est que j’ai pu la prendre parce qu’elle faisait partie d’une vidéo éducative que nous avons filmée pour la série Liftoff to Learning de la NASA, avec notre épisode intitulé Vivre dans l’espace. Il était destiné aux élèves de la maternelle à la 2e année, et j’ai pu inclure ma flûte dans le cadre de la démonstration de ce que nous faisons pendant notre « temps libre », sauf que, bien sûr, il n’y a vraiment pas de temps libre lors d’une mission de navette ! Je pense qu’il y a une vidéo quelque part, mais ce n’est pas très bon. Cela ne se compare pas vraiment en qualité de jeu aux récitals en solo ou aux solos d’orchestre que j’ai joués une fois ! J’ai joué du Mozart, mais aussi le Marine Corps Hymn, Navy Hymn et God Save the Queen à la demande de mes coéquipiers. La musique occupait une grande place dans ma vie depuis de nombreuses années, il était donc important pour moi de pouvoir jouer de ma flûte dans l’espace et de combiner mes deux grandes passions. »
Cady Coleman a quant à elle interprété le premier duo espace-sol, jouant de la flûte depuis l’ISS avec Ian Anderson (du groupe de rock Jethro Tull) resté sur Terre. Tous deux ont interprété le morceau Bourrée en mi mineur de Jean-Sébastien Bach. L’astronaute a déclaré : « Je ne peux pas imaginer vivre dans l’espace, en orbite autour de notre planète 16 fois par jour, sans musique. La musique est un état d’esprit. C’est un sentiment et une combinaison de notes, de sons et de mots qui capturent un moment et vous collent à cet instant dans le temps, et à tous ceux qui y sont associés. Flottant dans la coupole de notre station spatiale… en regardant notre terre… en jouant de la flûte, j’ai l’impression de faire de la musique avec tout le monde chez moi sur la planète Terre. »
Saxophone
Musicien de jazz accompli, l’astronaute américain Ronald Ervin McNair avait prévu de jouer un solo de saxophone en 1986 à bord de la navette spatiale Challenger pour l’album Rendez-Vous du compositeur Jean Michel Jarre. Malheureusement, ce projet n’a jamais pu être concrétisé. Le vol de la navette s’est tragiquement terminé par un désastre, entraînant la perte de la vie de tous les membres de l’équipage, dont McNair.
Après la perte de l’équipage du Challenger, le saxophoniste Kirk Whalun a enregistré l’œuvre, rebaptisée Ron’s Piece en hommage à l’astronaute.
Une fois en orbite, McNair avait fait face à des effets inattendus de l’apesanteur. Par exemple, l’eau qui s’accumule normalement à l’intérieur des instruments à vent sur Terre avait plutôt entraîné des effets de bulles indésirables. De plus, l’air sec de la cabine de la navette avait également affecté les coussinets en feutre et en cuir de son instrument, nécessitant plusieurs minutes de « réhydratation » avant de pouvoir jouer correctement.
Notre célèbre astronaute français Thomas Pesquet est lui aussi saxophoniste amateur. Vous avez probablement vu des photos de lui avec son instrument à bord de la station spatiale internationale. Au départ, il n’avait pas spécialement l’intention de jouer dans l’espace. Lors de son décollage le 17 novembre 2016, son instrument de musique est resté sur Terre. Il n’avait le droit d’emmener avec lui que 1,5 kg d’affaires personnelles, or un saxophone alto pèse environ 2,4 kg.
À l’occasion de son anniversaire, le 27 février, la NASA et ses proches de l’astronaute ont orchestré une surprise. Pour marquer l’occasion, les équipes au sol ont fait parvenir le 22 février, à travers une capsule de ravitaillement Dragon de SpaceX, une boîte de macarons Pierre Hermé et… un petit saxophone fabriqué sur mesure ! Ce dernier était caché parmi les 2,2 tonnes d’équipements apportées par la capsule. Les coéquipiers de Thomas Pesquet ont dissimulé ce cadeau jusqu’au 27 pour pouvoir le lui offrir le jour de son anniversaire ! Le saxophone étant resté depuis dans la station, l’astronaute français a pu en jouer pour sa deuxième mission à bord de l’ISS.
Lors d’une interview, il a témoigné des inconvénients de jouer du saxophone en apesanteur : « Normalement, le saxophone pèse dans les mains donc, pour appuyer sur les touches, on a l’habitude de jouer avec le poids du saxophone. Mais là, quand j’appuie sur une touche, ça le fait flotter donc c’est vraiment un petit peu bizarre. Et puis, ajoute Thomas Pesquet, je pense que sur l’anche, le petit bout de bois qui vibre et qui produit le son dans le bec du saxophone, la salive ne coule pas en fait. Donc parfois ça se bloque. Il n’y a plus de son. »
Voir aussi : Thomas Pesquet, le dixième astronaute français dans l’espace
Clavier
Colonel à la retraite de l’armée de l’air et musicien, Carl Walz a fait partie de l’Expedition 4, lancée le
L’astronaute a dû s’habituer au fait qu’en microgravité, chaque fois que vous frappez une note, vous repoussez le clavier. Il a attaché le clavier à ses jambes avec un cordon élastique pour maintenir l’instrument en place, mais n’a jamais compris comment utiliser la pédale sans se déplacer.
Il a ensuite appris à jouer de la guitare avec celle présente dans l’ISS.
« Puisque nous vivons réellement dans l’espace et pas seulement en visite, il est logique que, comme dans toute maison, il y ait des instruments de musique et de la musique à bord. J’ai choisi et apporté le piano électronique avec moi à l’ISS lors de l’Expédition 4. Le piano est là depuis. La guitare est apparue, je crois, lors de l’Expédition 3. »
D’autres astronautes ont joué du clavier dans l’ISS. L’officier scientifique de la Station spatiale internationale, Ed Lu, a dû improviser un harnais spécial afin de jouer de son clavier en microgravité. Regardez cette vidéo d’Ed interpréter en 2003 La Sonate au Clair de Lune de Beethoven sur le clavier électronique de la station spatiale.
Instruments de musique japonais dans l’espace
En avril 2010, deux astronautes de l’Agence japonaise d’exploration aérospatiale (JAXA) ont interprété en duo la chanson japonaise traditionnelle Sakura, Sakura à bord de l’ISS. Soichi Noguchi a ouvert la représentation sur une flûte en bambou appelée ryuteki qu’il avait apportée pour sa mission de cinq mois et demi. Il est ensuite passé au clavier pour accompagner sa collègue Naoko Yamazaki jouant sur un koto. Cet instrument à cordes pincées utilisé en musique japonaise traditionnelle fait environ 1,80 m de long. C’est pourquoi Yamazaki a fait fabriquer une version miniature de l’instrument pour son vol spatial.
Vous venez de le voir, non seulement les contraintes de poids et d’espace imposées par les voyages spatiaux rendent compliqué le transport d’instruments de musique volumineux à bord des navettes et des stations spatiales, mais il faut également prendre en compte le fait que jouer de la musique dans l’espace n’est pas si facile… Les astronautes doivent s’adapter au jeu sans gravité, trouver des moyens astucieux de se tenir en place pendant qu’ils grattent ou tapent sur les touches, etc. Malgré ces contraintes, ils trouvent des moyens créatifs de jouer et d’exprimer leur talent musical dans l’espace, en adaptant leurs techniques et en surmontant les défis uniques de l’environnement spatial.
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