Dorothy Vaughan, l’une des figures cachées de l’histoire spatiale américaine est racontée dans le film à succès, Hidden Figures (les figures de l’ombre) mettant en vedette Taraji P. Henson et Janelle Monae dans le rôle des femmes noires méconnues qui ont contribué à amener les premiers hommes sur la lune. Dorothy est interprétée par l’actrice primée Octavia Spencer. En tant que chef de l’unité de calcul de la zone ouest séparée de la NACA, Vaughan était à la fois une mathématicienne respectée et la première gestionnaire afro-américaine de la NASA.
Jeunesse et études
Fille d’Annie et Leonard Johnson, Dorothy est née le 20 septembre 1910 à Kansas City dans le Missouri. Sa famille déménage à Morgantown, en Virginie-Occidentale, où Dorothy obtient son diplôme de l’école secondaire Beechurst en 1925. Bénéficiant d’une bourse d’études complètes, elle obtient un Bachelor of Science en mathématiques à l’âge de 19 ans à l’Université Wilberforce, un collège historiquement noir situé à Xenia dans l’Ohio. Un de ses professeurs à Wilberforce la recommande pour suivre des études supérieures en mathématiques à l’Université Howard. Mais comme sa famille ne dispose pas de suffisamment d’argent, elle opte plutôt pour un diplôme en éducation et poursuit dans le domaine de l’enseignement, la carrière la plus stable pour une femme noire titulaire d’un diplôme universitaire. Dorothy épouse Howard S. Vaughan Jr. en 1932 avec qui elle aura six enfants. Pendant les onze années suivantes, Vaughan partage son temps entre une vie de mère et foyer et son emploi de professeur de mathématiques à l’école secondaire Robert Russa Moton de Farmville, en Virginie.
En 1943, lorsque Dorothy déménage à Newport News, une opportunité vient à elle. Dans la première semaine de mai 1943, le Norfolk Journal and Guide publie un article intitulé « Ouvrir la voie aux femmes ingénieurs » qui montre la voie à suivre à Dorothy. La photo accompagnant l’article montre 11 femmes noires bien habillées devant le laboratoire Bemis du Hampton Institute, diplômées en ingénierie.
Alors ce printemps-là, Dorothy Vaughan répond à deux demandes d’emploi : une pour travailler au Camp Pickett, où le besoin de main-d’œuvre était si grand, si indifférencié, qu’il n’y avait pratiquement aucune possibilité qu’ils ne l’embauchent pas. L’autre candidature, beaucoup plus longue demande beaucoup plus de qualifications.
Débuts de Dorothy Vaughan à la NASA (auparavant NACA)
Dorothy Vaughan arrive au Langley Memorial Aeronautical Laboratory en 1943, au plus fort de la Seconde Guerre mondiale, quittant son poste de professeur de mathématiques à l’école secondaire Robert Russa Moton de Farmville, en Virginie, pour occuper ce qu’elle croyait être un emploi temporaire de guerre. Deux ans après que le président Roosevelt ait signé le décret 8802, interdisant la discrimination raciale, religieuse et ethnique dans l’industrie de la défense du pays, le laboratoire a commencé à embaucher des femmes noires pour répondre à la demande croissante de traitement des données de recherche aéronautique.
Vaughan est affecté à l’unité distincte « West Area Computing », un groupe entièrement noir de mathématiciennes, qui doivent utiliser des salles à manger et des toilettes séparées. Au fil du temps, individuellement et en groupe, les West Computers se distingueront par des contributions à pratiquement tous les domaines de recherche à Langley.
Par contre, les chefs de section d’origine du groupe (d’abord Margery Hannah, puis Blanche Sponsler) sont blancs. En 1949, Dorothy Vaughan est promue à la tête du groupe, faisant d’elle la première superviseure noire du NACA. Vaughan est une ardente défenseuse des femmes de West Computing, et intervient même dans d’autres groupes qui méritent des promotions ou des augmentations de salaire. Les ingénieurs apprécient ses recommandations quant aux meilleures « filles » pour un projet particulier, et pour les tâches difficiles, ils lui demandent souvent qu’elle s’occupe personnellement du travail.
En 1958, lorsque la NACA fait la transition vers la NASA, les installations séparées, y compris le bureau de West Computing, sont abolies.
Évolution des West Computers
Progressant dans la technologie, la NASA décide de créer une installation de calcul électronique avec des ordinateurs IBM qui serait en mesure de résoudre de gros calculs pour la recherche aéronautique dans un temps beaucoup plus court que la main-d’œuvre humaine. Cela signifie qu’il n’y a plus besoin des femmes de West Computing Area, car leur travail serait maintenant jugé trop lent et trop fastidieux. Après avoir passé toute sa vie à lutter pour l’égalité des chances pour les femmes noires, Dorothy ne peut pas accepter cela, car elle sait que beaucoup de vies sont en jeu. Elle décide donc qu’elle enseignerait à elle-même et à toutes les femmes de West Computing Area le codage et la programmation nécessaires pour faire fonctionner ces nouveaux ordinateurs. D’autant plus qu’il y a une pénurie de main-d’œuvre capable de faire fonctionner les machines de la Division d’analyse et de calcul (ACD).
Programmeuse experte en FORTRAN
Dorothy et ses fils sont forcés de quitter la bibliothèque pour avoir demandé d’emprunter un livre sur l’informatique. Pour apprendre les connaissances nécessaires, Dorothy doit donc le voler à sa bibliothèque locale. En effet, les Noirs américains ne sont pas autorisés à lire les mêmes livres que les Américains blancs dans la bibliothèque.
Dorothy Vaughan et de nombreux anciens West Computers rejoignent donc la nouvelle Division d’analyse et de calcul (ACD), un groupe où les femmes et les afro-américains sont bien intégrés. Dorothy Vaughan devient une programmeuse experte du langage informatique FORTRAN.
Dorothy contribue également au programme de lanceurs Scout. Scout, acronyme de Solid Controlled Orbital Utility Test System, est un système de satellite à combustible solide à quatre étages. Il y aura 118 lancements scouts avec un taux de réussite global de 96 % qui vaudra au programme une place au National Air and Space Museum.
Dorothy Vaughan prend sa retraite de la NASA en 1971 et tente en vain de trouver un autre poste de direction à Langley. Son héritage se perpétue dans les carrières fructueuses d’anciens membres notables de West Computing, notamment Mary Jackson, Katherine Johnson, Eunice Smith et Kathryn Peddrew, et dans les réalisations de mathématiciennes et d’ingénieurs de deuxième génération tels que Christine Darden.
Sources