La troisième saison de Stranger Things arrive ! Vous connaissez sûrement cette série de science-fiction qui se passe dans les années 80, remplie de références cinématographiques et littéraires de l’époque : Steven Spielberg, John Carpenter, Stephen King, etc.

Pour ceux qui ne la connaîtraient pas encore voici un petit résumé : « Un soir de novembre 1983 à Hawkins, dans l’Indiana, le jeune Will Byers, douze ans, disparaît brusquement sans laisser de traces, hormis son vélo. Plusieurs personnages vont alors tenter de le retrouver : sa mère Joyce, ses amis menés par Mike Wheeler et guidés par la mystérieuse Onze, ayant des pouvoirs psychiques, ainsi que le chef de la police Jim Hopper. Parallèlement, la ville est le théâtre de phénomènes surnaturels liés au Laboratoire national d’Hawkins, géré par le département de l’Energie et indirectement la CIA et dont les expériences ne semblent pas étrangères à la disparition de Will. »

Où est la science dans tout ça ? Eh bien, il se trouve que les scénaristes se sont inspirés de théories scientifiques existantes.

 

L’Upside-Down, une dimension alternative ?

 

Will a en réalité atterri dans l’Upside-Down (le monde à l’envers) où des flocons tombent continuellement et surtout où réside le monstre…

 

Explication du professeur Clarke

 

 

Dans la première saison de Stranger Things, les amis de Will demandent à leur professeur de chimie, M. Clarke, d’expliquer les mondes parallèles. Les enfants font alors référence à Carl Sagan et à la série Cosmos dans laquelle l’astrophysicien parle d’autres dimensions. Pour répondre à leurs interrogations, M. Clarke se sert de la métaphore d’un acrobate marchant sur une corde raide. Cet acrobate peut avancer ou reculer sur la corde, mais ne peut marcher dans aucune autre direction. Imaginons une puce sur cette corde. Elle peut faire des va-et-vient et se déplacer sous la corde. Elle peut coller aux surfaces, ce qui lui donne une autre « dimension de mouvement » que celles de notre acrobate. Dans Stranger Things, le monstre peut être comparé à la puce, car il peut se déplacer librement entre le monde à l’envers (le dessous de la corde) et notre monde (le dessus de la corde). Quant à nous, nous sommes coincés dans le Right-Side-Up (le monde à l’endroit).

 

Brian Greene et la théorie des cordes

 

 

« Brian Greene au sujet de la théorie des cordes » TED Talks, 2005 (activez les sous-titres français en bas à droite de la vidéo) 
Le physicien Brian Greene explique la théorie des supercordes, l’idée selon laquelle des brins minuscules d’énergie vibrant dans 11 dimensions créent toutes les particules et toutes les forces de l’univers.

 

La métaphore du professeur rappelle l’une des analogies de Brian Greene, physicien théoricien et professeur de physique et de mathématiques à l’Université de Columbia.

Dans la vidéo ci-dessus, le scientifique utilise l’image d’une fourmi et d’un câble pour expliquer la théorie des cordes. Si nous regardons le câble de loin, nous le voyons comme une ligne, il a une longueur, mais ne paraît pas avoir de largeur ni de hauteur. Mais zoomons et prenons le point de vue d’une petite fourmi qui se promène dessus. Elle est si petite qu’elle a accès à toutes les dimensions : elle peut faire des va-et-vient, mais également ramper autour du câble. Pour la fourmi, le fil a deux dimensions supplémentaires que nous ne pouvons voir qu’à très petite échelle (la largeur et la hauteur). Greene veut ainsi faire comprendre qu’il existe deux sortes de dimensions : grandes et petites. Nous pouvons facilement voir les grandes dimensions, c’est-à-dire les quatre dans lesquelles nous vivons (les trois dimensions de l’espace et la dimension de temps). Mais il pourrait y avoir des dimensions supplémentaires qui seraient enroulées un peu comme la partie circulaire du câble et si petites qu’elles seraient restées invisibles jusqu’à présent. Notre fourmi microscopique pourrait cependant y avoir accès !

Brian Greene explique travailler plus particulièrement sur la théorie des Supercordes qui cherche à savoir ce que sont les éléments fondamentaux du monde qui nous entoure. Les plus petites particules de l’univers ne seraient en réalité pas des particules, mais de minuscules cordes vibrantes.

Brian Greene les décrit comme des filaments d’énergie qui dansent et qui vibrent à différentes fréquences tout comme les cordes d’un violoncelle par exemple. Tout comme les différentes fréquences émises par un instrument de musique « produisent » différents sons, les différentes fréquences des cordes vibrantes dont parle le physicien produisent différentes particules.

La théorie des cordes pourrait unifier la physique quantique et la relativité qui sont pour l’instant incompatibles.

Selon les équations qui régissent cette théorie, les cordes doivent pouvoir vibrer dans onze dimensions pour pouvoir créer la matière et l’énergie que nous voyons dans le monde qui nous entoure. En plus de celles que nous connaissons, il y aurait donc sept dimensions spatiales supplémentaires, toutes minuscules.

 

La théorie des mondes multiples d’Hugh Everett

 

Notons que si dans la série, la terminologie des univers parallèles et des dimensions alternatives est utilisée de manière interchangeable, il peut en réalité exister un seul univers qui contient plus de dimensions que celles que nous connaissons. Les dimensions alternatives consistent en l’idée qu’il existe des dimensions autres que celles que nous percevons et comprenons. Les univers parallèles, quant à eux, se rapportent à l’idée qu’il existe d’autres univers qui existent au-delà du nôtre. Ces idées ne s’excluent pas, mais ne sont pas identiques.

 

Hugh Everett III

Hugh Everett III (1930–1982) © University of California, Irvine

Lorsque M. Clarke explique l’Upside-Down aux garçons, il évoque la théorie des mondes multiples (multivers) de Hugh Everett. Selon cette interprétation de la physique quantique, chaque fois que quelque chose se passe dans cet univers, qu’un atome se déplace vers la droite plutôt que vers la gauche par exemple, un univers est créé où le contraire se produira, donc dans notre illustration pour lequel l’atome se déplacera vers la gauche.

 

chat de Schrödinger
Allégorie du chat de Schrödinger.
 H. RITSCH/SCIENCE PHOTO LIBRARY/COSMOS

 

L’expérience de pensée du « chat de Schrödinger » décrit un chat théorique enfermé dans une boîte avec un système mortel régi par les probabilités quantiques. Tant que la boîte n’a pas été ouverte, on peut considérer que le chat à l’intérieur n’est ni mort ni vivant, mais dans une superposition de ces deux états. En introduisant le concept d’univers différents, il y aurait donc un univers où le chat serait vivant, et un autre ou le chat serait mort…

Avec la théorie des mondes multiples, ce concept d’animal ni mort ni vivant n’existe plus. Lorsque nous lui imposons un choix (ici entre l’état de vie ou de mort), l’univers se divise en deux univers parallèles identiques, l’un contenant un chat vivant et l’autre un chat mort.

Mais ces univers multiples deviennent totalement indépendants l’un de l’autre. Invisibles et inaccessibles, ils n’existent pas dans d’autres dimensions, mais sont superposés sur notre Univers.
Contrairement à l’Upside-Down, ces univers parallèles ne peuvent donc pas interagir.

 

Un portail vers l’Upside-Down ?

 

Dans la série Netflix, M. Clarke précise qu’en créant une quantité massive d’énergie, il serait possible d’établir un portail, une connexion, en déchirant le continuum espace-temps. Cet hypothétique portail perturberait la gravité, le champ magnétique, notre environnement et pourrait tous nous engloutir ! Pas très rassurant…

 

courbure espace temps trou noir trou blanc
Crédits : Hitek

 

Lorsqu’il illustre comment voyager dans l’Upside-Down avec une feuille de papier, le professeur décrit quelque chose s’apparentant à un trou de ver. Selon la relativité générale, la matière courbe l’espace-temps. Un trou de ver est un objet hypothétique qui relierait deux régions distinctes de l’espace-temps et se manifesterait, d’un côté, comme un trou noir et de l’autre côté, comme son opposé : un trou blanc.

Ce qui nous fait aussi nous faire penser au « warp drive », la technologie de Star Trek, avec laquelle l’USS Enterprise peut voyager dans l’espace en utilisant une distorsion de l’espace-temps qui lui permet de dépasser la vitesse de la lumière…

Dans Stranger Things, le laboratoire gouvernemental contrôle son propre trou de ver, mais selon les physiciens, s’ils existaient, les trous de ver seraient très instables et s’effondreraient rapidement. Alors comment le laboratoire réussit-il à garder son portail ouvert ?

Autre chose curieuse, le monstre semble avoir l’étrange pouvoir de créer lui-même des trous de ver. Dans la première saison, il aurait sauté dans notre dimension pour attraper Barbara, puis serait aussitôt revenu dans l’Upside-Down…

 

Des mondes multiples en interaction ?

 

Winona Ryder - Stranger Things
Wynona Ryder communique avec son fils par le biais des guirlandes lumineuses.

 

Dans un article publié en 2014, Bill Poirier, professeur de physique à la Texas Tech University au Texas a proposé une version différente celle d’Everett. Selon lui, ces mondes multiples pourraient interagir les uns avec les autres. Ce qui pourrait expliquer pourquoi Joyce Byers interprétée par Winona Ryder peut communiquer avec Will grâce aux lumières de la maison. Par contre, selon Bill Poirier nous ne pourrions toujours pas voyager d’un monde à l’autre.

 

Le LHC, le grand Collisionneur de Hadrons

 

 

tunnel du LHC

Tunnel du LHC

 

Revenons sur Brian Greene et la théorie des cordes. Le physicien explique que pour avoir accès à de toutes petites dimensions, beaucoup d’énergie est nécessaire. Plus nous avons d’énergie, plus l’entité que nous pouvons observer est petite. C’est pourquoi des machines sont créées comme le grand Collisionneur de Hadrons, le plus grand accélérateur de particules au monde, situé près de Genève en Suisse. Ces machines consomment beaucoup d’énergie afin de se concentrer sur un petit espace.

Dans cet espace restreint, les scientifiques peuvent explorer l’univers à des échelles incroyablement petites. Ils pourront peut-être découvrir la réalité qui nous est encore invisible et, qui sait, trouver des preuves d’autres dimensions…

« Notre univers est-il le seul univers ? » Brian Greene TED Talks, 2012 (activez les sous-titres français en bas à droite de la vidéo)
Y a-t-il plus d’un univers ? Dans cette conversation riche en images et riche en actions, Brian Greene montre comment les questions de physique sans réponse (en commençant par une grande : qu’est-ce qui a causé le Big Bang ?) ont conduit à la théorie selon laquelle notre propre univers n’est que l’un des nombreux  » multivers.  »

 

Finalement peut-être comme le pense Kyle Hill, de la chaîne YouTube Nerdist, l’Upside-Down de Stranger Things n’est ni un univers parallèle ni une autre dimension, mais plus simplement une réalité alternative enchevêtrée avec la nôtre. Ce qui expliquerait ses effets sur notre propre réalité et la capacité d’Eleven d’y avoir accès…

 

 

Pour aller plus loin

 

Brian Greene, professeur de physique et de mathématiques à l’Université Columbia, s’intéresse aux théories unifiées depuis plus de 25 ans et a écrit plusieurs ouvrages best-sellers de vulgarisation, notamment The Elegant Universe (L’Univers élégant), finaliste de Pulitzer et The Fabric of the Cosmos (La magie du Cosmos). Chacun d’entre eux a été adapté dans une mini-série NOVA. Son dernier livre, The Hidden Reality (La réalité cachée), explore la possibilité que notre univers ne soit pas le seul.

 

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Sources

https://www.theodysseyonline.com/the-science-of-stranger-things

http://www.popsci.com/tackling-stranger-things-parallel-universes-and-state-string-theory

https://www.livescience.com/55883-stranger-things-science-of-parallel-worlds.html

Publication Bill Poirier : https://journals.aps.org/prx/edannounce/10.1103/PhysRevX.4.040002

https://lejournal.cnrs.fr/billets/peut-tester-les-univers-paralleles