Mercredi 10 avril 2019 restera une date importante. La première photo d’un trou noir M87* a enfin été dévoilée !

L’Event Horizon Telescope

APEX Telescope
APEX Telescope

La campagne d’observation

La campagne d’observation réalisée par l’Event Horizon Telescope (EHT) s’est déroulée début avril 2017. Cette date était surtout dépendante de la météo !
Les astronomes ont attendu d’avoir une semaine complète avec un ciel complètement dégagé. Les 8 radiotélescopes composant l’Event Horizon Telescope observent en ondes radio millimétrique.
La longueur d’onde de 1,3 mm à laquelle sont détectés les signaux est absorbée et émise par l’eau. Ces observations peuvent donc être perturbées par les gouttelettes présentes dans les nuages.
Autre obstacle, le radiotélescope Alma au Chili est le plus demandé au monde. Par conséquent, il n’y avait qu’une petite fenêtre d’environ deux semaines chaque année pour tenter de faire les observations avec les 8 télescopes.

Répartis aux quatre coins de la planète (au Groenland, en Antarctique, au Chili, au Mexique, aux États-Unis, à Hawaï, en France et en Espagne), les 8 radiotélescopes permettent d’obtenir (virtuellement) un télescope de la taille de la Terre.
La résolution d’un télescope dépend non seulement de la longueur d’onde à laquelle il observe mais également de son ouverture (le diamètre de son objectif). Celle obtenue par le télescope virtuel est 2000 fois meilleure que celle des images prises par Hubble. Les signaux enregistrés par les 8 appareils ont ensuite été combinés afin d’obtenir une image détaillée.

Au lieu de construire un télescope gigantesque (qui risquerait de s’effondrer sous son propre poids), on combine plusieurs observatoires comme s’ils étaient des petits fragments d’un miroir géant.

AFP, 2017, Michael Bremer, astronome à l’Institut de radio astronomie millimétrique (IRAM) et responsable des observations EHT aux télescopes en Europe

L’EHT avait pris pour cible les deux trous noirs supermassifs Sagittarius A* (ou Sgr A*) au centre de la Voie lactée ainsi que celui au cœur de la galaxie M87. Le premier se situe à 26 000 années-lumière du système solaire et le second à 53 millions d’années-lumière de la Voie lactée. Quant à leur masse, elles sont de respectivement 4,3 millions masses solaires (c’est-à-dire la masse du Soleil) et 6 à 7 milliards masses solaires.

Finalement c’est le trou noir au centre de la galaxie M87 qui a été choisi pour cette photo historique.

Le trou noir supermassif de notre galaxie a beau être beaucoup plus près de nous, il est aussi moins massif et donc développe moins d’énergie gravitationnelle. De plus petite taille, il varie toutes les quelques minutes. À cause de cette variabilité, nous avons besoin de plus de temps et des études plus précises pour obtenir son image.


Roberto Neri de l’IRAM (Interview Sciences et Avenir)

Un long et difficile traitement des données

Et si l’image a été prise il y a maintenant deux ans, l’analyse d’une telle quantité de données a nécessité beaucoup de temps. Les informations des radiotélescopes ont dû être enregistrées sur 1024 disques durs !

L’heure des enregistrements de chaque télescope a été marquée grâce à une horloge atomique locale au dixième de milliardième de seconde près.

En Antarctique, les disques durs de données ont attendu la fin de l’hiver austral jusque décembre 2017 pour pouvoir être transportés dans des conditions de vol sécurisées. Ils ont ensuite été envoyés aux centres de traitements : à l’observatoire Haystack du MIT et à l’Institut Max Planck pour la radioastronomie à Bonn. Les signaux des huit observatoires ont alors été rassemblés, comparés et fusionnés, afin de produire cette image.

Cette technique utilisée en radioastronomie est appelée « interférométrie à très longue base » (VLBI pour Very Long Baseline Interferometry).

 


Présentation de lEvent Horizon Telescope

Qu’est-ce que l’horizon d’un trou noir ?

Event Horizon peut être traduit par Horizon des événements. C’est ce qui définit un trou noir. Il s’agit de la limite au-delà de laquelle rien ne peut échapper à sa force d’attraction, pas même la lumière. En effet, un photon émis sur l’horizon ne peut pas s’extraire du trou noir, par contre, proche de l’horizon, il peut réussir à y parvenir, mais en y laissant une grande énergie.
Si même la lumière ne peut pas s’échapper du trou noir, il apparaît donc invisible aux instruments scientifiques. Alors comment le photographier ?
Ce qui est observé est en réalité la lumière émise par le disque de matière appelé disque d’accrétion autour du trou noir, juste au-dessus de l’horizon des événements.

Notons tout de même que les tailles des horizons des événements de Sagittarius A* et du trou noir au centre de la galaxie M87 sont respectivement de 25 millions et 36 milliards de kilomètres.

La photo obtenue du trou noir

Sur la photo obtenue, on peut effectivement observer un halo de lumière enveloppant un cercle noir, c’est le disque d’accrétion. Les étoiles, gaz, poussières qui chutent vers le trou noir forment un disque tournoyant, s’échauffent jusqu’à des centaines de milliards de degrés ce qui produit un rayonnement sur certaines longueurs d’ondes électromagnétiques qu’a pu capter l’EHT. Aussitôt avalée par le trou noir, cette matière devient invisible.

On peut remarquer que l’anneau n’est pas symétrique, beaucoup plus lumineux en bas qu’en haut de l’image, ce qui correspond aux simulations numériques des scientifiques.
La théorie de la relativité générale d’Einstein explique que la matière courbe la géométrie de l’espace-temps. Selon elle, un corps massif attire la lumière et courbe les rayons lumineux.
C’est pourquoi l’image que nous pouvons voir apparaît déformée en raison de la présence du trou noir supermassif qui dévie la lumière en agissant comme une lentille.

L’étape d’après est d’observer à une longueur d’onde plus petite (0,80 mm au lieu de 1,3 mm) pour améliorer encore la résolution angulaire de 35 % et atteindre ainsi 15 microsecondes d’arc, soit la taille qu’aurait une bille à jouer posée sur la Lune, vue depuis la Terre.


Roberto Neri de l’IRAM (Interview Sciences et Avenir)

Sources

Publication dans Astrophysical Journall Letters

https://eventhorizontelescope.org/

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