Le principe d’équivalence veut que dans le vide, tous les corps tombent avec la même vitesse. C’est l’un des principaux postulats de la relativité générale d’Einstein. Le satellite français Microscope (MICROSatellite à traînée Compensée pour l’Observation du Principe d’Equivalence) a été lancé en avril 2016 dans le but de mettre cette fameuse théorie en défaut, ce qui aurait été un bouleversement scientifique majeur… Certaines nouvelles théories voulant unifier relativité générale et mécanique quantique (théorie des cordes par exemple) supposent en effet que le principe d’équivalence pourrait être violé à un niveau très faible…. Force est de constater que cette expérience l’a au contraire une fois de plus confirmé.

La relativité générale fonctionne très bien pour décrire l’infiniment grand de l’univers. La mécanique quantique fonctionne quant à elle très bien pour décrire l’infiniment petit. Mais pour l’instant les deux sont inconciliables. Unifier les deux nous permettrait de mieux comprendre l’origine de notre univers par exemple (Big Bang).

 

De la chute des corps à la relativité générale

 

La tour de Pise

La tour de Pise – wikipedia

 

Aristote affirmait que plus un corps est massif, plus il tombe vite : « une boule de fer de cent livres, tombant de cent coudées, touche terre avant qu’une boule d’une livre ait parcouru une seule coudée ».

Dès le début du 17e siècle, Galilée est le premier à expérimenter la chute des corps, et ce depuis la tour de Pise d’après la légende. Il veut ainsi mesurer le temps de chute de plusieurs corps de masses et natures différentes et remettre en cause les idées d’Aristote. Il en conclut que le temps de chute est le même pour tous les corps, quels que soient leur poids, leur taille et leur nature. Donc la vitesse de chute libre est la même pour tous les corps. Les décalages observés seraient dus à la résistance de l’air.

Cette loi de Galilée deviendra en 1915 le principe d’équivalence, un des piliers de la théorie de la relativité générale d’Einstein. Albert Einstein affirme que localement, les effets d’un champ gravitationnel sont équivalents à ceux d’une accélération. Un corps plongé dans un champ gravitationnel (la gravité de la Terre par exemple) se comporte en tout point comme un corps soumis à une accélération en l’absence de champ gravitationnel.

Imaginons Madame A située dans une boîte fermée sur la Terre et Madame B placée dans une même boîte qui se trouve dans l’espace. S’il n’y a aucune accélération, Madame B flotte, mais si sa boîte subit une forte accélération égale à celle de la pesanteur, elle aura les deux pieds au sol comme madame A et les deux femmes n’auront aucun moyen de savoir laquelle est sur Terre et laquelle dans l’espace.

« Du principe d’équivalence découlera la théorie de la relativité générale selon laquelle la gravitation n’est plus une force qui s’exerce depuis un objet vers un autre, mais une déformation de la structure même de l’espace-temps », explique le physicien Thibault Damour.

Voir aussi : qu’est-ce qu’une onde gravitationnelle

 

Expériences précédentes du principe d’équivalence

 

Le principe d’équivalence avait déjà été vérifié sur Terre avec une précision de 10-13.

Dès 1687, Newton observe que des pendules de même longueur dotés de boules en matériaux différents se balancent bien au même rythme, avec une précision de trois chiffres après la virgule.

En 1889, à l’aide de pendules de torsion, Loránd Eötvös, physicien hongrois, obtient une précision de huit chiffres après la virgule. Cette expérience sera reprise plus d’un siècle plus tard :

« En 2008, en raffinant le principe du pendule de torsion avec du béryllium et du titane, le groupe de physiciens américains Eöt-Wash est parvenu à une précision de 13 chiffres après la virgule, le record actuel ! », informe Gilles Métris, astronome au ­laboratoire Géoazur.

En 1969, les astronautes d’Apollo 11 ont déposé un premier réflecteur sur la Lune. Puis jusqu’en 1973, cinq réflecteurs y auront été déposés par des missions robotisées russes Unokhod 1 et 2 et par des Américains des missions Apollo. À l’aide de tirs laser sur ces réflecteurs, la distance Terre-Lune a ainsi été mesurée, et donc la chute libre de la Lune autour de la Terre avec une précision de 10-13 .

 

En 1971, lors de la mission Apollo 15, l’astronaute David Scott fera l’expérience en direct sur la Lune.

« Bien, dans ma main gauche, j’ai une plume, dans ma main
droite, un marteau. Et je parie que l’une des raisons pour lesquelles
nous sommes ici aujourd’hui, c’est parce qu’un gentleman appelé
Galilée, il y a un long temps, a fait une découverte plutôt
significative au sujet de la chute des corps dans le champ de
gravité. Et nous avons pensé qu’il n’y avait pas de meilleur endroit
pour confirmer ses résultats que sur la Lune. »

Il lâche en même temps et de la même hauteur un marteau (1,32 kg) et une plume de faucon (0,03 kg). David Scott explique que la plume utilisée est une plume de faucon, car le module lunaire d’Apollo 15 s’appelle Falcon. Ces deux objets atteindront le sol lunaire en même temps prouvant que la gravité agit de façon égale sur tous les corps en l’absence d’atmosphère.

Voir aussi : L’histoire de Space oddity de David Bowie

 

Le projet Microscope

 

2 des 4 masses d’épreuve de Microscope : en platine (gauche) et en titane doré (droite). Crédits : ONERA

Pour cette nouvelle expérience, le principe d’équivalence est testé sur deux matériaux différents (titane et platine) cette fois-ci dans l’espace afin de s’affranchir des perturbations terrestres.

« Dans l’espace, il est possible d’étudier le mouvement relatif de 2 corps en réalisant une chute libre la plus parfaite possible, à l’abri des perturbations dues à la Terre (notamment sismiques), et en mettant à profit le mouvement de chute libre permanent dont est animé un satellite en orbite, avec des mesures sur plusieurs mois d’affilée. » explique le CNES qui finance et pilote le projet.

Le satellite est en orbite à 710 km autour de la Terre permettant donc une chute libre permanente. « Le satellite est équipé d’un système à compensation de traînée, qui émet de très faibles poussées pour corriger les quelques forces qui interagiraient encore avec la chute libre (les molécules résiduelles de l’atmosphère à 710 km d’altitude, ou les photons émis par le Soleil) »

« Il mesure les positions des deux masses d’épreuves placées dans un cocon protecteur au cœur du satellite, indique Pierre-Yves Guidotti, chef de projet exploitation de Microscope. En un an de mission, Microscope a mesuré leur trajectoire de chute avec une extrême précision sur 1900 orbites de données scientifiques, soit une distance équivalente à la moitié de la distance Terre-Soleil. »

Lundi 4 décembre, le CNES a confirmé qu’avec seulement 10 % des données analysées, ils ont atteint une précision de 2*10-14 fois la gravité terrestre, soit 10 fois supérieure à ce qui avait été vérifié jusque là. Ces résultats s’appuient sur 120 des 1900 orbites réalisées. Il leur reste encore de nombreuses données accumulées par le satellite en un an et demi à étudier. La collecte de données se poursuivra jusqu’en mars 2018. La mission Microscope, qui doit durer jusque fin 2018, a pour objectif d’aller jusqu’à une précision à la 15e décimale.

 

Pour aller plus loin

 

Si ce n’est déjà fait, n’hésitez pas à lire le célèbre ouvrage d’Albert Einstein où il explique La théorie de la relativité restreinte et générale.

Galilée discute longuement de la chute des corps dans son livre Discours concernant deux sciences nouvelles où il a consigné les découvertes d’où est née la dynamique moderne.

Dialogue sur les deux grands systèmes du monde, célèbre ouvrage dans lequel Galilée remet notamment en question les idées d’Aristote est également disponible.

Et pour finir un livre un peu plus léger à l’intention des petits et grands enfants : Cher professeur Einstein : Quand les enfants écrivaient à Albert Einstein et qu’il leur répondait.

 

Sources

https://microscope.cnes.fr/

Libération