Savez-vous d’où vient le changement d’heure en France ? Pourquoi et depuis quand a-t-il été instauré ? Je vous propose de découvrir toute l’histoire dans cet article.
Pourquoi le changement d’heure a-t-il été instauré ?
Jusqu’à la fin du XIXème siècle, le Soleil indiquait l’heure et permettait de régler les horloges. Le midi au Soleil donnait l’heure locale, mais le zénith du Soleil ne se produit nulle part au même moment. L’heure variait alors de 50 minutes entre l’est et l’ouest de la France, 49 minutes séparaient alors Brest de Strasbourg.
Les villes possédaient alors pour la plupart des cadrans solaires ou des méridiennes qui n’indiquaient l’heure qu’à midi. Un des premiers cadrans retrouvés est un cadran solaire égyptien qui date d’environ 1300 ans avant Jésus-Christ. Le temps donné par les cadrans solaires est appelé le temps solaire vrai qui change par conséquent en fonction du lieu où l’on se trouve.
À partir du XIVe siècle, les horloges publiques étaient remises à l’heure à partir des méridiennes, mais étaient très imprécises.
En 1784, Benjamin Franklin évoque pour la première fois dans le quotidien français Le journal de Paris la possibilité de décaler les horaires afin d’économiser l’énergie, ce qui n’est pas pour plaire à tout le monde. En effet, à l’époque, la société est encore très largement agricole et l’heure « utile » est celle du Soleil.
Qu’est-ce que le temps moyen ?
Pour rappel, la rotation de la Terre autour de son axe définit le jour. Or le temps entre deux passages consécutifs du Soleil au méridien, c’est-à-dire le jour solaire, ne dure pas exactement 24 h, mais 23 h 56 m 4,091 s.
L’orbite de la Terre autour du Soleil n’est pas un cercle, mais une ellipse. La vitesse apparente du Soleil va donc varier selon la position de notre planète sur sa trajectoire. En effet, plus la Terre est près du Soleil, plus elle va vite. L’axe de rotation de la Terre fait un angle de 23° 26′ avec le plan de l’écliptique, c’est ce qu’on appelle l’obliquité. La variation de vitesse et l’obliquité de la Terre créent de petits écarts qui se cumulent au cours de l’année décalant midi solaire vrai et midi moyen.
Pour que nos jours aient la même durée et que nos heures soient régulières, une position moyenne théorique du Soleil est calculée sur l’année (appelé le Soleil moyen, par opposition au Soleil vrai) et définit le Temps moyen.
Le temps solaire moyen est donc donné par un Soleil moyen (fictif) se déplaçant sur une orbite circulaire, à vitesse constante, dans le plan de l’équateur céleste tel que la durée du jour solaire moyen soit de 24 heures exactement. Autrement dit, il s’agit de l’heure française dont le midi (heure à laquelle le Soleil est au zénith) a été moyenné sur l’année.
En astronomie, l’équation du temps est utilisée pour rendre compte de la différence entre le mouvement apparent relatif du Soleil et celui du Soleil moyen. Sur le schéma, on peut voir la superposition des deux sinusoïdes : une reflétant l’excentricité de l’orbite terrestre et l’autre résultant de l’obliquité de l’écliptique sur l’équateur. Vous pouvez remarquer sur le schéma ci-dessous qu’elle atteint un maximum de 16 minutes fin octobre.
Changement d’heure en France
Heure de Paris
Le 24 décembre 1826, le préfet de la Seine, Gaspard de Chabrol, décide de mettre l’heure officielle de Paris à l’heure du temps moyen. À partir de 1857, l’Observatoire de Paris met en place une permanence pour informer les horlogers sur cette heure moyenne les mardi et vendredi de 1 h à 3 h de l’après-midi. Puis en 1877, une horloge électrique est laissée aux grilles de l’entrée de l’observatoire de Paris à disposition des Parisiens.
Mais excepté Rouen, le reste de la France reste encore à l’heure solaire (et donc locale). L’heure différente de chaque ville pose des problèmes lors du développement des chemins de fer. En 1851, la compagnie de chemins de fer installe des horloges électriques donnant l’heure de Paris, et ce, de Tours à Nantes. À la fin du XIXe siècle, toutes les gares en France donnent l’heure de Paris sur les quais et celle de Paris augmentée de 5 minutes en façade de la gare.
Heure de Greenwich
Une fois un temps unique décidé en France, il faut encore coordonner les heures des autres pays… La France et l’Angleterre veulent chacune à l’époque que les pays se règlent sur leur heure… Et ce coup-ci ce seront les Anglais qui gagneront…
En 1884, 24 pays participant à la conférence internationale de Washington décident que le méridien de Greenwich sera le méridien de référence et non celui de l’observatoire de Paris. Ils décident également de diviser le globe terrestre en 24 fuseaux horaires dont la longitude diffère de 15° (une heure). La France, mécontente, résiste.
La loi du 14 mars 1891 fixe l’heure légale française à l’heure du temps moyen de Paris.
Le 9 mars 1911, les Français décident enfin de se mettre à l’heure anglaise et de retarder leur montre de 9 minutes 21 secondes pour se caler en fonction du méridien de Greenwich.
Heure d’été ou heure d’hiver
Mais en 1916, pour des besoins d’économies imposés par la guerre, l’heure est encore modifiée. La France décide de rajouter une heure pendant les mois d’été.
À partir du printemps 1940, la France occupée se met à l’heure de Berlin pendant que la zone libre reste à l’heure de Greenwich. Cette division de la France en deux pose des difficultés pour les transports ferroviaires, civils et militaires. Le gouvernement de Vichy décide alors de synchroniser à partir du 5 mai 1941 l’heure de la zone libre sur celle de la zone occupée.
Puis, en 1976, Valéry Giscard d’Estaing rétablit les horaires saisonniers suite au choc pétrolier de 1973. Le but est de diminuer de 1 % la consommation d’électricité en réduisant les besoins d’éclairage le soir. À l’époque, l’électricité était majoritairement produite par des centrales au fioul. Cette mesure initialement provisoire le temps des restrictions pétrolières, du 28 mars au 28 septembre, a finalement été généralisée à toute l’Europe dans les années 1980.
Vidéo de 1976 :
Jusqu’en 1995, le passage à l’heure d’hiver se faisait le dernier dimanche de septembre à 3 heures du matin, mais depuis 1996, il a lieu le dernier dimanche d’octobre.
Un décret du 9 août 1978 fait du temps universel coordonné (UTC qui a remplacé le temps solaire moyen au méridien de Greenwich (GMT) depuis 1972) la base du temps légal en France « le temps légal est obtenu en ajoutant ou en retranchant un nombre entier d’heures au temps universel coordonné ». L’heure d’hiver correspond en France à UTC+1 et l’heure d’été à UTC+2.
Actuellement, le temps légal en France est calculé par des horloges atomiques du laboratoire national de métrologie à l’Observatoire de Paris avec une exactitude de l’ordre du dixième de seconde.
Île de Molène
Finissons avec une petite histoire bretonne (bon j’avoue nous pouvons être vraiment têtus parfois…) :
L’île de Molène dans le Finistère ne subit pas les changements d’heure. Les habitants ont tout simplement décidé de rester à l’heure solaire !
Voir aussi : Pourquoi le mois de février a-t-il 28 jours ?
Pour aller plus loin
Le 30 février. Et autres curiosités de la mesure du temps
Saviez-vous qu’il a existé un 30 février 1712 en Suède ? Qu’à l’inverse, aux îles Samoa, le 30 décembre 2011 a été supprimé ? Qu’aux îles Diomède, dans le Pacifique, on peut « voir » demain et « regarder » hier ? Que la France s’est mise à l’heure allemande en 1940, pour ne plus en changer ? Que Thérèse d’Ávila est morte dans la nuit du 4 au 15 octobre 1582 ? Dans ce recueil d’histoires courtes riches en anecdotes, Olivier Marchon nous guide dans l’histoire de la mesure du temps et de ses bizarreries, à travers une multitude de calendriers et de mesures horaires exotiques, fruits d’une science exacte au contact d’un monde qui ne l’est pas.