Le 25 septembre 2018 a eu lieu le 100e lancement d’une Ariane 5 en une vingtaine d’années, depuis Kourou en Guyane. L’objectif cette fois-ci était de transporter deux satellites de communication japonais et azerbaïdjanais (Horizon 3e et Azerspace / Intelsat 38) et de les placer en orbite. L’occasion pour nous de revenir sur l’histoire du programme Ariane.
Le programme Ariane
Pourquoi le nom Ariane ?
Dans la mythologie grecque, Ariane est la fille de Minos, le roi de Crête. Elle tombe amoureuse de Thésée venu tuer le Minotaure. Elle donne à l’homme qu’elle aime un fil qui lui permet de sortir du Labyrinthe une fois le monstre tué.
La future fusée doit sortir le programme de lanceur européen de l’impasse tout comme le fil d’Ariane a sorti Thésée du labyrinthe. En effet, au début des années 1970, le programme européen de lanceurs Europa est un échec.
La France propose alors la création d’un lanceur le L3S (Lanceur de troisième génération de substitution) dans le prolongement de l’expérience réussie du petit lanceur Diamant.
Le CNES lance un appel à idées pour remplacer la dénomination L3S. Le premier choix est Véga, étoile de la constellation de la Lyre, mais le ministre Jean Charbonnel décide de ne pas le retenir à cause de la référence à une bière. Trois noms sont envisagés par la France : Phénix, Pénélope ou Ariane. Le délégué allemand rejette Phénix à cause de l’échec de l’ELDO (European Launcher Development Organisation, organisation européenne créée en 1963 pour mettre au point un lanceur européen), ses cendres étant encore brûlantes suite à l’échec d’Europa. Pénélope ayant dû attendre Ulysse pendant 20 ans, ce n’était peut-être pas non plus la meilleure option si on ne voulait pas attendre vingt ans pour le premier lancement ! C’est donc Ariane qui est choisi.
Des débuts difficiles
Si le programme est aujourd’hui une réussite, les débuts n’ont pas été simples.
L’abandon du programme Europa oblige l’Europe à se tourner vers les États-Unis pour placer sur orbite Symphonie, un satellite de télécommunications. Mais les restrictions imposées par les États-Unis pour l’utilisation de leurs lanceurs (l’interdiction de toute utilisation commerciale) font comprendre à la France l’importance pour l’Europe d’être autonome pour le lancement de ses satellites.
Un accord est signé en 1973 à Bruxelles par les pays partenaires européens. Mais pour obtenir un accord, la France doit s’engager à prendre en charge 60 % des sommes nécessaires et à couvrir les dépassements budgétaires. En contrepartie, la maîtrise d’œuvre revient au CNES (Centre national d’études spatiales ) et l’industrie française récupère une part importante des contrats.
Le programme Ariane n’est pas pris au sérieux. Beaucoup le voient comme un « lanceur de dissuasion » pour forcer les Américains à assouplir leurs conditions.
Le 15 décembre 1979, après 7 ans de travail, la première tentative de décollage d’Ariane 1 échoue. Un capteur défaillant détecte une mauvaise poussée, les 4 moteurs du premier étage sont aussitôt coupés. Mais 9 jours plus tard, Ariane 1, effectue enfin son vol inaugural depuis le Centre spatial guyanais. Ariane 2, Ariane 3 et Ariane 4 lui succèdent en 1986, 1984 et 1988 (oui, Ariane 3 a bien volé avant Ariane 2).
En 1980, la société Arianespace est créée afin de commercialiser et exploiter les systèmes de lancement spatiaux développés par ArianeGroup.
Ariane 5
Officiellement, la décision de construire le lanceur Ariane 5 est prise le Ariane 4 n’a pas encore volé.
« Les premières études d’un lanceur de forte capacité datent de 1977 et le premier avant-projet intitulé Ariane 5 remonte à 1978, bien avant même le premier vol d’Ariane 1 (le 24 décembre 1979), avant le démarrage du programme Ariane 3 et avant les premières études du concept Ariane 4 ! », indique Jean-Marc Astorg, directeur des lanceurs du CNES.
Le premier lancement a lieu le 4 juin 1996 et se solde par un échec. Le lanceur est détruit après à peine 37 secondes de vol en raison d’une erreur informatique. Le second vol a lieu le 30 octobre 1997, mais l’orbite désirée n’est pas atteinte. L’année suivante, par contre, la réussite est totale. Depuis, sur 100 missions, Ariane 5 n’aura eu que 5 échecs.
Ariane 6
Ariane 5 continuera d’être exploitée au moins jusqu’en 2023. Mais entre 2020 et 2023, elle va peu à peu céder la place à Ariane 6.
« Je dirais que l’architecture générale d’Ariane 6 est proche d’Ariane 5, mais que tout le reste est différent ! Ariane 6 aura trois avantages majeurs sur Ariane 5 : un coût moindre, la capacité de rallumage de son étage supérieur et la modularité », précise Jean-Marc Astorg.
« Nous devons faire face à une concurrence d’une intensité sans précédent », assure Stéphane Israël, président exécutif d’Arianespace. On pense bien sûr à SpaceX et Elon Musk. En quelques années, l’entreprise du milliardaire américain s’est imposée dans le monde de l’aérospatial. Depuis 40 ans, Arianespace a effectué 240 lancements et mis 570 satellites sur orbite. Mais en 2017, SpaceX a effectué 18 tirs contre 11 pour l’entreprise européenne (6 Ariane 5, 2 Soyouz et 3 petites Vega). La firme d’Elon Musk a même récupéré quatorze étages de sa fusée et en a réutilisé sept. Ariane 6 ne sera quant à elle pas réutilisable.
« Dans un contexte où la concurrence est toujours plus forte, Ariane 6 est encore plus adaptée aux évolutions de marché que quand nous l’avons décidée en 2014. Elle répond parfaitement à la demande des clients institutionnels européens, qui s’annonce très dynamique pour la décennie 2020. Et elle est parfaitement calibrée pour le lancement de constellations de satellites dédiées à l’internet, une tendance forte du marché. »
Alors le programme Ariane arrivera-t-il à s’imposer face à la rude concurrence de l’américain SpaceX?
Aller plus loin
De la fusée Véronique au lanceur Ariane. Une histoire d’hommes, 1945-1979
Des fusées-sondes Véronique à Ariane en passant par les lanceurs Diamant et Europa, ce livre retrace les
étapes décisives qui ont conduit au succès du lanceur européen. On assiste à la prise de décisions politiques et scientifiques capitales, aux balbutiements de la recherche spatiale et à ses progrès, aux premiers pas de la
coopération européenne. On participe aux coups de griffe dans le désir d’indépendance de la France vis-à-vis des
autres puissances spatiales, et à ses revanches. On assiste enfin à la création du CNES, de l’Agence spatiale
européenne, du partenariat industriel, etc. (source : CNES)
Ariane : Une épopée européenne
Fruit d’une documentation souvent inédite et de nombreux entretiens avec les acteurs de cette prodigieuse réussite technologique, cet ouvrage fait revivre, depuis les lendemains de la Seconde Guerre mondiale à nos jours, cette entreprise européenne sans rien occulter des errements du programme Europa et des difficultés techniques ou politiques qui n’ont jamais cessé de la jalonner.
La France à la conquête de l’espace : De Véronique à Ariane
Des premières fusées- sondes Véronique jusqu’au lanceur lourd Ariane 5 en passant par Diamant et Europa,ce livre retrace l’histoire spatiale de la France et l’Europe.
Pédagogique et richement illustré, il propose aussi une chronologie complète des événements qui ont marqué la
conquête spatiale. source : CNES
Sources
Cite de l’espace : pourquoi Ariane